La protection sociale complémentaire est un sujet complexe et peu vulgarisé.
L’objectif de cet article est de vous communiquer les 5 clés de compréhension de l’obligation de versement du 1,50 % TA de la prévoyance des cadres.
Sous forme de questions, nous aborderons un volet technique réglementaire allié à un volet pratico-pratique. Ces derniers sont tenus aux enjeux et risques en cas de non-respect de cette obligation.
On commence !
1. Quelle est l’origine de cette obligation ?
La Convention Collective Nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 (article 7) a instauré une obligation pour l’employeur.
Il s’agit de cotiser à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération, inférieure au plafond fixé pour les cotisations de Sécurité sociale, pour les cadres en matière de prévoyance.
La fusion des régimes de retraite complémentaire – « AGIRC / ARRCO » – a eu pour conséquence la disparition de la CCN du 14 mars 1947 et celle de l’obligation du versement du 1,50 % des cadres.
Les partenaires sociaux, par un ANI du 17 novembre 2017 relatif à la prévoyance des cadres, ont donc réinstauré mot pour mot cette obligation du 1,50 % des cadres.
Cette cotisation est exclusivement patronale.
Source de l’image : Convention Nationale de Retraites et de Prévoyances des Cadres du 14 Mars 1947
2. Quels sont les salariés bénéficiaires ?
Cette obligation concerne à l’origine les salariés visés aux articles 4 (les cadres) et les 4 bis (assimilés-cadres) de la convention AGIRC.
La référence à ces articles ayant disparu consécutivement à la fusion de l’AGIRC et l’ARRCO, il convient de prendre celles issues de l’ANI prévoyance du 17 novembre 2017, à savoir les articles 2.1 (cadres) et 2.2 (assimilés cadres).
Nota bene : le maintien des dispositions relatives aux articles 36 de l’annexe I de la CCN de 1947 n’a pas été retenu dans l’ANI du 17 novembre 2017.
3. Quels types de sanctions en cas de non-respect de cette obligation ?
Si l’employeur ne respecte pas cette obligation de versement de la cotisation, il est redevable auprès des ayants droit d’un capital égal à trois plafonds annuels de sécurité sociale, soit pour 2022 un montant égal à 123 408 € (41 136 € *3) ; soit pour 2023 un montant égal à 131 976 (43 992 € *3).
Source : Boss.gouv.fr
Le texte précise qu’il s’agit d’une sanction autonome. Elle est ainsi due indépendamment de toute prestation versée par ailleurs par l’organisme assureur, même si le montant du capital décès versé est égal ou supérieur à la sanction.
La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer :
- Sur l’assujettissement à charges sociales de cette somme (Cass. Soc, 24 avril 1997 n° 95-18.039)
- Sur l’autonomie de la sanction, celle-ci étant encourue de plein droit du seul fait de l’inexécution de cette obligation. (Cass. 1re civ. I, 30 mars 2004, n°01-03.971).
4. Quels types de garanties comprises dans cette obligation ?
Depuis 1947, le financement du « 1,50 % » des cadres pèse sur l’employeur. Cette cotisation devant être égale « à 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond de Sécurité sociale », est suivie d’une affectation « par priorité à la couverture d’avantages en cas de décès ».
En clair, 0,76 % (de la tranche A) de cette cotisation obligatoire doit être consacrée au financement de la garantie décès des cadres et assimilés (Lettre AGIRC du 24 août 1994).
Est compris dans cette garantie :
- le décès ;
- la rente conjoint ;
- et la rente éducation.
Le surplus de la cotisation, ou le delta de cotisation, s’il en existe un, peut être affecté à d’autres types d’avantages de prévoyance dits lourds, tels que :
- l’incapacité ;
- et l’invalidité.
La question, qui n’avait jamais été véritablement tranchée, était celle de savoir plus largement, si dans le sens du mot prévoyance, on pouvait également intégrer la couverture de type frais de santé.
En clair, la cotisation obligatoire du « 1,50 % TA » prévue par l’ANI du 17/11/17 peut-elle être financée pour partie par la cotisation patronale de la garantie frais de santé ou mutuelle ? (En dehors de l’affectation prioritaire à la garantie décès)
La Cour de cassation s’est positionnée sur ce sujet dans une décision récente du 30 mars 2022 (n°20-15.022).
Pour la première fois, elle s’est prononcée sur la question de l’intégration de la cotisation des frais de santé dans le 1,5 % TA de la prévoyance des cadres.
Cette décision est conforme au positionnement adopté par le Direction de la réglementation AGIRC.
5. Quels impacts et incidences pour les entreprises ?
Certains diront que c’est une bonne nouvelle : les entreprises pourraient ainsi adopter un financement risque par risque. D’autres s’interrogeront sur les risques encourus.
Une difficulté subsiste : qu’en est-il des salariés cadres bénéficiaires d’une dispense d’affiliation au régime de frais de santé ? Dispense tirée d’une application stricte de la loi (de droit) ou accordée plus largement pour certaines d’entre elles (facultative) par l’acte de mise en place du régime de frais de santé.
Les conséquences immédiates :
- Un risque financier : ne plus respecter l’obligation du paiement des « 1,5 % TA des cadres », c’est s’exposer en cas de décès du cadre, à être condamné à verser aux ayants droit, s’ils en font la demande, 3 PASS (123 408 € en 2022 ; 131 958 € en 2023), de surcroît ce montant est également emporté des charges au titre des cotisations sociales.
- Une gestion lourde, complexe et individualisée : en effet, la majorité des cotisations des régimes de frais de santé est calculée sur une assiette forfaitaire et/ou assise sur le Plafond Mensuel de la Sécurité Sociale. Ainsi pour chaque salarié, il faut recalculer si le cumul des cotisations patronales de santé et de prévoyance atteint le 1,5 % TA. L’objectif étant de reconvertir le tout en % du salaire ; et s’il y a lieu, d’isoler la fraction patronale consacrée à la couverture obligatoire des ayants droits. En clair, un casse-tête.
En conclusion
SESAME RH vous propose de décliner le plan d’action ci-dessous :
- Vérifier que le taux de cotisation de la TA des cadres et assimilés est une cotisation patronale au moins égale à 1,5 %.
- Identifier que 0,76 % (de la tranche A) de cette cotisation obligatoire patronale est consacré au financement de la garantie décès des cadres et assimilés.
- Évaluer et maîtriser le risque que vous encourez si vous ne respectez pas l’obligation du 1,5 % de TA des cadres et assimilés :
- Rechercher le nombre de salariés cadres et assimilés ayant fait l’objet d’une dispense d’affiliation mutuelle ;
- Vérifier si cette dispense d’affiliation est toujours d’actualité : apporter les correctifs nécessaires pour limiter le risque ;
- Identifier la nature de la dispense d’affiliation pour chaque salarié, les classer en 2 catégories : dispense de droit ou facultative ;
- Réfléchir s’il y a lieu de modifier l’acte de mise en place pour supprimer les dispenses d’affiliation facultative ;
- Calculer votre risque en termes de coûts et méditer sur les effets de bord collatéraux.
Ainsi, le conseil majeur surtout à donner, c’est de respecter vos obligations légales en matière de prévoyance des 1,5 % TA des cadres et assimilés.
Vous n’imaginez même pas les incidences et les circonstances dans lesquelles le décès d’un salarié-cadre et assimilé peut intervenir, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise.
En tant qu’employeur, votre risque est financier, social et met à mal votre image de marque.
Évitons toute situation de mise en fragilité des collaborateurs.
Agissons, conseillons, protégeons !
À vous de voir…