Les partenaires sociaux de la branche d’activité des transports routiers et des activités auxiliaires du transport ont, une nouvelle fois, décidé d’améliorer la protection sociale de la population non cadre.
Ainsi, par un accord du 3 février 2022 étendu par arrêté du 28 juin 2022 (Journal officiel du 30 juin), ils ont négocié, en matière de prévoyance, la mise en place d’une garantie incapacité de travail.
En effet, dès 2016, par accord-cadre du 20 avril 2016, les partenaires sociaux ont mis en place de nouvelles garanties invalidité et décès pour l’ensemble des salariés non-cadres de certaines entreprises de la branche.
Nous vous proposons de vous faire découvrir les 10 points clés incontournables pour réussir la mise en place de cette nouvelle garantie prévoyance.
1. Champ d’application de l’accord : ces nouvelles dispositions conventionnelles obligatoires sont-elles bien applicables à l’activité de mon entreprise ?
Avant d’entamer toute démarche, il convient de vérifier qu’en tant qu’entreprise des transports routiers, si les dispositions de l’accord du 3 février 2022 sont applicables à votre activité.
Cet accord définit, en son article 2, les entreprises de la branche qui sont concernées par ces nouvelles dispositions, en faisant référence à la Nomenclature d’Activités Française plus connue sous le code NAF.
Sont touchées par ces mesures conventionnelles de branche, les entreprises du champ d’application de la CCN des transports routiers et activités auxiliaires du transport, avec pour code NAF :
– 49.41 A Transports routiers de marchandises interurbains ;
– 49.41 B Transports routiers de marchandises de proximité ;
– 49.41C Location de camions avec conducteur ;
– 52.29A Messagerie, fret express ;
– 52.29B (1) (2) Affrètement et organisation de transports ;
– 53.20Z Autres activités de poste et de courrier ;
– 77.12Z (1) Location et location bail de camions ;
Si vous faites partie de cette liste, vous devez en tant qu’employeur souscrire un contrat d’assurance pour couvrir ce risque d’incapacité de travail et ce quel que soit votre effectif.
2. Quels sont les bénéficiaires de ces nouvelles dispositions conventionnelles au sein de mon entreprise ?
L’objectif de cet accord de 2022 est de compléter le système de prévoyance initialement mis en place pour la population des non-cadres sur le volet incapacité temporaire de travail.
Tout comme l’accord de 2016 le prévoyait pour les garanties invalidité et décès, le bénéfice de cette nouvelle garantie incapacité de travail est limité aux salariés non-cadres.
L’article 3 précise que sont concernés par la garantie « incapacité de travail », les salariés qui ne relèvent pas des dispositions :
– des articles 4 et 4 bis de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ou,
– des articles 2.1 et 2.2 de l’ANI du 17 novembre 2017 relatif à la prévoyance des cadres et de la catégorie agréée par l’APEC.
Par exemple, dans les transports routiers de marchandises, sont concernés les employés, les ouvriers et les agents de maîtrise et donc bénéficiaires de ce nouveau dispositif. Ne sont pas concernées les hautes maîtrises (les assimilés cadres – 4 bis/2.2) et les cadres (les 4/2.1).
À noter que les salariés bénéficiant d’un contrat lié à la politique de l’emploi, type contrat de qualification ou de professionnalisation, sont également bénéficiaires de ce dispositif.
3. Quel est l’objet de cette nouvelle garantie mise en place par cet accord de 2022 ?
Jusqu’alors, seuls les salariés non-cadres étaient couverts en termes de risques par la garantie conventionnelle de branche sur de l’invalidité et du décès.
Le risque incapacité temporaire de travail n’était pas couvert par le régime conventionnel de prévoyance de 2016.
3.1. Un objectif précis : une aide financière apportée en cas d’incapacité temporaire de travail
L’objectif de cette nouvelle garantie est d’accorder un paiement d’indemnités journalières complémentaires à celles de la Sécurité Sociale, en cas d’arrêt total temporaire de travail du salarié dû à une maladie ou à un accident d’origine professionnelle ou non professionnelle.
Il s’agit donc de compenser la baisse de revenus liée à l’incapacité temporaire de travail et de compléter les indemnités journalières de Sécurité sociale perçues par le salarié.
Le mécanisme mis en place par les partenaires sociaux est particulier et en même temps dans la lignée du dispositif initial de 2016 mettant en place un compte personnel de prévoyance.
3.2. Une référence : le compte personnel de prévoyance des salariés non-cadres
Ainsi, chaque salarié non-cadre dispose, depuis 2016, d’un compte personnel de prévoyance alimenté par :
- Des points d’activité acquis en fonction du salaire depuis le début de sa carrière dans le secteur du transport ;
- Des points de solidarité obtenus en participant à des actions de prévention santé labellisées par la branche et que le salarié doit lui-même déclarer.
La valorisation du nombre de points acquis dépend donc du nombre d’années passées dans la profession du transport et des efforts que le salarié peut réaliser au titre des actions de prévention estampillées par la branche d’activité.
En effet, les partenaires sociaux ont souhaité que les salariés deviennent acteurs de leur santé.
Voici quelques exemples d’actions contribuant à l’acquisition de points :
- Participer à une visite médicale annuelle, à un examen périodique de santé (bilan complet tous les 5 ans),
- Réaliser des dépistages santé (cancer du sein, cancer colorectal, etc.)
- Contribuer à l’amélioration de leur santé par le biais de sevrage tabagique, de consultation sur la tabacologie ou la prévention des troubles musculo squelettiques
- Renforcer leurs connaissances par des actions de formations (formation acteur prévention secours, prévention des addictions, etc.)
Si vous souhaitez avoir des compléments d’information sur le fonctionnement du compte personnel de prévoyance, vous pouvez vous rapprocher de votre organisme assureur couvrant les risques conventionnels invalidité-décès.
4. Un complément d’indemnisation versé en fonction du nombre de points valorisés dans le compte personnel de prévoyance (CPP) des salariés non-cadres
Le complément de rémunération, c’est-à-dire les indemnités journalières de prévoyance versées en complément des indemnités journalières de Sécurité sociale, variera en fonction du nombre de points acquis dans le CPP.
1er cas :
- Le salarié dispose de moins de 3 000 points dans son CPP au jour du sinistre :
- Les indemnités journalières complémentaires s’élèveront à 75 % des rémunérations totales brutes soumises à cotisations de Sécurité sociale et sous déduction des indemnités journalières de Sécurité sociale.
2ᵉ cas :
- Le salarié dispose de plus de 3 000 points dans son CPP au jour du sinistre :
- Les indemnités journalières complémentaires s’élèveront à 80 % des rémunérations totales brutes soumises à cotisations de Sécurité sociale et sous déduction des indemnités journalières de Sécurité sociale.
Bien évidemment, le cumul des sommes reçues au titre de la Sécurité sociale, du régime des indemnités de prévoyance au titre de l’incapacité de travail ainsi que de tout autre revenu (y compris au titre d’une reprise d’activité à temps partiel ou un quelconque revenu de substitution) ne pourra conduire le salarié à percevoir une rémunération nette supérieure à celle qu’il aurait perçue s’il avait poursuivi son activité professionnelle pendant la période d’arrêt de travail.
5. Un complément d’indemnisation encadré par une franchise
Le dispositif négocié par les partenaires sociaux est encadré par une franchise relativement longue.
En effet, les salariés pourront commencer à bénéficier des indemnités journalières de prévoyance qu’à l’issue d’un arrêt de travail continu de plus de 180 jours.
Ce mécanisme intervient en relais et non en complément des obligations conventionnelles au titre du maintien de salaire de l’employeur. Il n’a pas pour but de se substituer à ce dernier.
Le maintien de salaire conventionnel étant limité dans le temps, les salariés en très longue maladie ne percevaient à terme que les indemnités journalières de la Sécurité sociale si l’entreprise n’avait pas déjà mis en place à titre volontaire un contrat de prévoyance au titre de l’incapacité temporaire de travail.
Les salariés pouvaient donc se retrouver, au-delà de 6 mois dans une situation particulièrement précaire financièrement.
6. Un complément d’indemnisation qui ne perdure pas dans le temps
Ainsi, le versement des indemnités prévoyance est conditionné aux versements des indemnités de Sécurité sociale.
Elles cessent donc d’être versées dans les cas suivants :
• dès la fin du versement des indemnités journalières de la Sécurité Sociale, et au plus tard au 1095e jour d’arrêt de travail ;
• à la date d’attribution d’une pension d’invalidité par la Sécurité Sociale ;
• à la date de reprise du travail ;
• au décès du salarié (hormis les indemnités dues avant la survenance du décès) ;
• à la liquidation de la pension vieillesse ;
• au versement d’une rente accident du travail ;
• au versement d’une rente inaptitude à la conduite pour raison médicale.
7. Quelles sont les modalités de financement et de répartition de cette nouvelle garantie incapacité de travail ?
Les partenaires sociaux de la branche du transport n’ont pas voulu dissocier cette nouvelle garantie des 2 autres garanties invalidité et décès mises en place par l’accord de 2016 en termes d’affichage sur le financement de la cotisation.
Source : ytimg
Ils ont plutôt opté pour une augmentation du taux initial de cotisation, le passant de 1,05 % à 1,55 %.
L’assiette de cotisations est plafonnée à l’ensemble des rémunérations brutes soumises à cotisations sociales, limitée à trois fois le plafond de Sécurité sociale.
Le montant de la cotisation pour la mise en place de la garantie arrêt de travail est fixé à 0,50 %.
Cette cotisation est prise en charge au moins pour moitié par l’employeur et au plus pour moitié par le salarié.
En conséquence,
- La cotisation patronale est a minima de 0.25 %.
- La cotisation salariale est au plus de 0.25 %
Résumé en image :
8. Quelles sont les échéances pour mettre en place cette nouvelle garantie incapacité de travail ?
Les partenaires sociaux ont souhaité tenir compte des situations des entreprises et ont déterminé deux cas de figure correspondant à la réalité terrain.
En effet, en tant qu’employeur, si vous avez ou non déjà protégé vos salariés non-cadres au titre d’un complément d’indemnité de prévoyance et/ou en fonction du montant du taux de cotisations de la patronale sur un contrat existant, les échéances diffèrent dans l’application de cette nouvelle obligation conventionnelle.
8.1. Une entrée en vigueur au 1er juillet 2022 pour les entreprises n’ayant pas contracté ce type de garantie ou dont le taux de cotisation patronale est inférieur à un certain montant
Conformément aux dispositions de l’accord de branche du 3 février 2022, l’entrée en vigueur de ce dispositif a eu lieu au 1er juillet 2022, soit au lendemain de la publication de l’arrêté d’extension.
En même temps, l’accord précise que seuls les arrêts de travail en cours dont le fait générateur est postérieur au 1er janvier 2022 et sous condition du respect du délai de franchise (Plus de 180 jours d’arrêt continu) pourront être pris en charge au titre de ce régime de prévoyance.
En pratique, le fait générateur et le premier avis d’arrêt de travail de votre collaborateur doivent avoir eu lieu postérieurement au 1er janvier de cette année, si et seulement si cet arrêt est continu de plus de 6 mois.
L’organisme assureur vérifiera précisément que la date du fait générateur est postérieure au 1er janvier 2022. S’il s’agit d’une rechute ou d’un nouvel avis d’arrêt de travail de début d’année, il vérifiera si le fait générateur n’est pas antérieur à 2022. Si tel est le cas, le collaborateur ne pourra pas bénéficier des dispositions de l’accord selon les termes rédigés par les partenaires sociaux.
De plus, quand bien même l’employeur avait souscrit un contrat de prévoyance couvrant ce type de risque, si le montant de la cotisation patronale est inférieur à 0,25 % du salaire de référence, alors les dispositions conventionnelles sont applicables au 1er juillet 2022 et l’employeur ne bénéficie donc pas de la période transitoire visée ci-dessous.
8.2. Une entrée en vigueur différée pour les entreprises ayant contracté ce type de garantie sous condition
Une période transitoire a été instaurée par les partenaires sociaux dans le but de laisser le temps aux entreprises de prendre contact avec leur courtier et/ou organisme assureur pour identifier les conditions dans lesquelles les nouvelles dispositions conventionnelles étaient susceptibles de s’appliquer.
L’existence d’un contrat de prévoyance au 2 février 2022 couvrant ce risque d’incapacité de travail avec un taux de cotisation en part patronale d’au moins 0,25 % du salaire de référence fait bénéficier l’employeur d’une période transitoire de 6 mois pour se mettre en conformité avec les dispositions de l’accord.
9. Quelle est votre première démarche à entamer pour éviter tout risque contentieux ?
Quelle que soit votre situation, la première action que vous devez mettre en œuvre, c’est d’entrer en contact avec votre courtier et/ou votre assureur pour envisager comment et dans quelles conditions vous allez pouvoir mettre en place ce nouveau dispositif, qui (je vous le rappelle) est obligatoire.
Source : studylibfr
Dans l’hypothèse où vous souhaiteriez vous exclure de ce dispositif, et je vous décourage vivement une telle approche, sachez que vous vous exposez à des sanctions pécuniaires lourdes : votre responsabilité civile serait engagée. Le collaborateur pourra prétendre à l’obtention de dommages et intérêts en cas de manquement.
En tant qu’employeur, vous supporterez vous-même le risque et deviendrez alors votre propre assureur. Ainsi, le salarié pourra prétendre à une indemnisation du montant égal à celui des prestations auxquelles il aurait eu droit si l’employeur s’était conformé aux dispositions conventionnelles.
Source : SVP
En même temps, votre comportement risquerait aussi de ternir et de fragiliser votre image.
- En interne : tant auprès des collaborateurs que des partenaires sociaux (CSE, délégués syndicaux par exemple)
- En externe : à l’ère des réseaux sociaux, la propagation d’une telle information risque d’écorner sérieusement votre image tant sur le volet de la marque employeur qu’auprès de vos fournisseurs et partenaires.
10. Quel est votre plan d’action en interne pour mener à bien ce projet de mise en place de ce nouveau dispositif de prévoyance qui ne tient pas seulement à une échéance ?
Dans un premier temps, vous vous dites que ce nouvel accord n’est pas très impactant ; que votre courtier et/ou assureur vous accompagnera dans la mise en place de ce nouveau dispositif sans aucune difficulté.
Vous avez raison sur ce point, ce sont des partenaires/fournisseurs externes incontournables qui vous guideront sur le volet de la contractualisation.
En même temps, vous êtes-vous posé la question de qui va pouvoir être l’interlocuteur privilégié en interne : qui a la disponibilité, la compétence sur ces sujets techniques de protection sociale complexes et souvent peu maitrisés pour assurer le déploiement en interne ?
La meilleure solution est de considérer la mise en place de ce nouveau dispositif de prévoyance comme un vrai projet RH transverse avec de très forts enjeux en termes juridiques, économiques, financiers, sociaux et de communication.
Une approche conclusive orientée solution
Ces 10 points imparables pour déployer les nouvelles dispositions en matière d’incapacité temporaire pour les non-cadres dans les transports routiers vous permettent déjà d’y voir un peu plus clair sur ces nouvelles dispositions conventionnelles dans la profession.
Maintenant, il s’agit pour vous d’orchestrer la conduite opérationnelle de ce projet RH au sein de votre entreprise.
SESAME RH est intervenue pendant plus de 3 ans au sein d’un groupe de transports routiers qui souhaitait harmoniser et optimiser ses dispositifs de protection sociale. Nous avons su faire le lien entre les nombreux interlocuteurs internes et les équipes du courtage pour mener à bien cette mission.
Conjuguer technicité, pragmatisme, souci permanent des opérationnels et intelligence stratégique, tels sont nos engagements au quotidien.
Avoir des Ressources et être Humaine, notre marque de fabrique, pour contribuer à déployer ce projet RH de mise en œuvre de cette nouvelle garantie prévoyance en toute sécurité et sérénité.
Une conclusion orientée vers la solution à laquelle vous n’auriez pas forcément pensé !